L'eau te berce.
Tu y respires presque. Sa caresse aux reflets couleur soleil t'enivre. Tu es le martyr des étendues bleues, voué à te battre pour chaque respiration. Tu retiens ton souffle, tu plonges, tu te noies encore une fois. Tu te perds encore un jour. Ton coeur réside au fond des océans, au milieu des poissons, à côté d'une étoile de mer nonchalante, bercée elle aussi par les eaux claires. Tu pourrais y rester pour toujours mais la vie t'infecte comme un poison coriace. Tu remontes à la surface quand tes poumons te brûlent, quand ta tête décroche. Tu as fait un pacte avec l'Océan. Tu lui prends chaque jour des créatures bleutées, ses richesses aux parfums iodés. Tu lui as, en échange, donné ton âme, ton corps aux muscles fins, blanchis par le sel. Tes cheveux bruns indomptables, couvrant ton visage quand l'eau s'y mèle. Tu es sienne. Ô mer, Ô mère laisse les flots me bercer encore un instant.

Peau d'ivoire recouvre ton corps.
Constellée de milles planètes brunes. Tu laisses l'océan dessiner ta silouhette fragile. Gardée par les méandres de ton esprit, peu de doigts s'y attardent. Peu d'âmes y ont laissé leurs corps. On s'y échoue comme sur une plage, on s'y déchaîne comme en pleine tempête. Et pourtant les chairs savent inhiber ton âme océane, pure et claire. Dévouée et fidèle. Passion t'as rendu visite maintes fois mais Amour se cachent encore dans l'ombre. A l'ombre d'un genre.

La vie est un don.
"Tu ne respires que parce qu'on t'a donné la vie. Ce qu'on te donne on te le reprend. C'est ainsi que tourne le monde." Les mots de ton père tournent, virevoltent et s'écrasent comme l'insecte sur le pare brise qu'est ton crâne. Mots, maux. Infimes limites, tu ne fais plus la différence. Tu ne vois que le mal que les eaux t'ont fait. Elles ont repris leur dû. Et tu replonges, tu coules vers le noir hypnotisant des hauts fonds. L'eau, le froid, ta combinaison qui épouse ton corps. Ce bleu fluide n'est qu'une extension de ta conscience, démarquant tes formes. Tu comprends ton père qui a sombré ici, s'affranchissant du sol brun qui vous est si étranger.

Tu sèches au soleil.
Hors de l'eau tu es un faussaire. Un pâle copie d'un pécheur. Tu n'as plus les pieds sur Terre. Vie clandestine, tu as toujours été l'enfant discret. Qu'on a peur de briser en une phrase. Equilibre vital, fragilité enfantine. Le zèbre sur la banquise. Tu es l'enfant de la mer qui ne respire pas hors de l'eau. Instabilité, tu te fragilises là-haut.  On t'a appris les codes, les manières terriennes. Tu prends le pli, tu te conformes comme un bon citoyen. Ce corset te brise les os un peu chaque jour. Tu cherches ta place sur terre alors que la tienne est dans l'eau.