J’ai regardé le soleil réapparaître après l’orage. Il ressemblait à un miracle, là, niché entre la noirceur des nuages lourds et colériques. Il répandait sa lumière divine jusqu’au sol, il fallait voir la route humide devenir aussi blanche que son maître là-haut.
Les passants avançaient alors face à l’astre énorme, se couvrant les yeux d’une main, les doigts entrouverts pour espérer y voir quelque chose. Le visage d’un saint, peut-être.
Confirmer le miracle.
Ils avançaient, oui, mais à pas prudents parce que l’asphalte, lui, était traître. Même s’il avait le pouvoir de faire miroiter la beauté du soleil, il n’était qu’un miroir glissant, glissant et dangereux.
Je baissais alors le regard sur mes mains qui avaient vécu, elles aussi, touché, blessé parfois. Il y avait cette alliance à la main gauche, synonyme d’un toujours qu’on écorche vif et qu’on menace sans cesse d’estropier.
Regardant mes paumes, il me vint une pensée timide et tenace. Celle que le fonctionnement des orages me semblait être le même que le fonctionnement de l’existence. Qu’ici-bas nous étions des êtres menaçants, menacés, parfois traversés d’une lumière forte, vivace, qui rappelait la vie. Que nous patinions, hagards, sur cet asphalte humide en nous raccrochant les uns aux autres, maillons fragiles, dans des éclats de rire maladroits.