Faire semblant.
Faire semblant, t’as vite compris comment faire. Oui. Et pourtant. Tu te demandes, quand est-ce que tu ne seras plus un enfant. Enfin. Parce que dans leurs regards, dans leurs gestes, tu vois bien. Oui. Que tu ne l’es pas encore. Adulte. Pourtant. Tu l’es bel et bien. Mais, y a la main de papa qui continue de venir te frapper là, dans la nuque. Voix grondante qui t’explique que tu fais mal. Voix grondante qui te dit pour la énième fois que tu n’es toujours pas prêt. À reprendre l’affaire ? À le laisser prendre sa retraite ?

Dieu.
Faire semblant.
Oui, c’est si facile.

Pourtant, t’es encore là. Encore dans cette chambre au lit simple. Encore dans cette maison aux cris incessants de maman et papa. Parce que, faire semblant. Ne te permet pas de faire réellement croire. Papa, il sait bien. Que tu ne veux pas. Et pourtant, il ne cesse, incessant. De vouloir te montrer. De t’embarquer sur la mer, vagues mortelles, vagues malades. Pour que tu le fasses. Le deviennes. Mais, tu ne veux tellement pas. Prior. Parce que t’as pas les mains de l’emploi. Parce que t’as le corps trop grand, trop dégingandé, parce que tu n’aimes pas ça.

Faire semblant.
Oui, c’est si facile.

Parce qu’ils n’ont toujours pas compris. Même si l’papa, il sait. Que t’es pas fait pour ça. Il sait pas. Dieu, non. Que t’es vraiment pas comme ils veulent, se l’imaginent. Petit garçon trop grand, trop adulte. Ils ne te lâchent pas. Parce qu’ils veulent, encore, te façonner. Image trop parfaite. Famille trop parfaite ? T’as le bleu mer, parfois, sur la peau. Le bleu mer dans le regard. Le bleu mer sur lequel il t’emmène jour et nuit. Mais toi, le bleu mer, tu l’aimes dans tes yeux, tu l’aimes dans le lointain et sur le papier. Doigts top grands, t’as le rêve artiste. Mais, papa, il veut que tu sois pêcheur.

Tu te demandes.
Quand est-ce que tu seras enfin adulte.
Tu te demandes.
Si tu seras capable, un jour.
De fuir.

Suivre le chemin, l’asphalte trop droit de la vie. Tu ne cherches pas. Non, jamais. À dire non. Tu écoutes, vacilles, et acquiesces. Parce que, peut-être que papa et maman, ils t’ont déjà mis trop de bleus mer sur le corps. Alors, t’as appris à juste te taire. À juste faire semblant. Si bien. Et, c’est si facile. Parce que maman, elle n’est pas prête à ce que tu ramènes une fille. « mon si petit garçon, si beau, c’est pas encore l’heure mhm ? faut que tu travailles bien avant. » Se sont-ils groupés contre toi ? Se rendent-ils compte ? Du bleu mer dans ton cœur. Regard trop vague, tu aimes te perdre sur la jetée à t’imaginer loin d’ici. Endroit parfois trop gris, trop petit. Tu sais, sûrement, que tu ne t’y échapperas pas.

Faire semblant.