(elle a peur)

elle a mal. mal au ventre.
mal au dos.
elle gémit en se serrant sur elle-même. comme si ses genoux cagneux allaient la protéger. elle sait que personne d'autre le fera.
elle les entend qui crient. fort. ils crient jamais doucement. ils s'insultent, elle comprend pas tout. elle entend les bruits. des coups sourds. contre le mur, contre maman, contre papa. il repart avec des bleus, elle repart avec des rouges.
elle gémit quand y a un coup plus fort, dans le salon, dans son ventre.
ça fait mal.
y a du sang, elle a peur. elle sert ses jambes parce qu'elle a peur que la blessure s'agrandisse. y en a partout. du rouge sombre, du rouge violent, du rouge sur les draps. ils aiment pas quand elle salit. quand elle rentre avec ses bottines pleines de terre, avec ses cheveux pleins d'eau, avec ses poches pleines de sable et de trous. ils crient sur elle quand elle salit.
elle doit le cacher. elle doit l'enlever. y en a sur sa culotte, son pantalon, le lit.
mais elle peut pas se lever.
elle veut pas en mettre par terre. y a déjà trop de sang par terre.
dans le salon, le tapis est noir. c'plus facile pour tout cacher.
les murs ont été refait y a pas longtemps. pour cacher les trous.
maman a du maquillage. elle passe des heures à couvrir son corps de crème, son visage de plâtre.
papa s'en fout.
elle a peur.
elle a toujours peur.

(elle aime pas les filles)

elle soupire.
elle est dans un petit lit, un matelas une place. y a une autre fille à côté. ils ont pas voulu la mettre avec un mec.
elle aime pas les filles. elles sont trop méchantes. elles tirent les cheveux, elles griffent, elles aiment pas les autres et leur font du mal.
elle préfère les mecs. c'est plus simple avec les mecs. tu leur donne un coup et ils rigolent. ils s'en foutent qu'elle parle pas beaucoup, qu'elle sourit jamais, qu'elle jure ou qu'elle s'énerve fort.
ils rigolent quand elle fait la maligne.
elle préfère les mecs.
son lit grince, elle lève pas la tête du bouquin qu'elle essaie de lire.
elle a des cheveux courts. peut-être pour ressembler à un garçon.
elle se maquille pas vraiment, elle aime pas. ça lui rappelle sa maman.
la fille d'à côté la regarde, comme si elle était bizarre.
qu'est-ce que tu me veux ?, qu'elle grogne.
la fille répond pas. à la place, elle tend la main et et caresse sa jambe.
c'bizarre. c'est chaud.
elle veut bouger mais elle le fait pas.
alors la fille monte encore et prend son livre pour le mettre à côté.
puis elle revient, l'embrasse.
elle embrasse une fille.
c'bizarre. c'est chaud.
c'est mouillé aussi.
l'amour avec une fille, c'est long. c'est presque beau.
mais quand elle s'endort, c'pas à une fille qu'elle rêve.
elle a toujours préféré les mecs.

(elle fumera sa vie)

elle regarde par la fenêtre.
sa clope se consume au bout de ses doigts.
elle fume qu'après le sexe. comme pour l'exorciser avec la fumée.
dépêche-toi. j'dois aller bosser. elle le dit sans même regarder le mec qui remet son pantalon sur sa queue ramollie.
c'pas ça ton boulot ? qu'il répond, l'air vraiment curieux. elle grimace.
nan, ça c'est ce qui paie mon loyer.
il a pas l'air de comprendre. elle lève les yeux au ciel.
laisse le cash et dégage, c'est tout.
elle regarde pas si il répond. elle entend le bruit d'une enveloppe qui tombe sur la table. elle entend des pas. la porte.
elle souffle la fin de sa clope dans l'air frais du matin qui se lève.
pute de nuit, caissière de jour.
l'insomniaque qui offre de l'amour.
l'insomniaque qui scanne des capotes alors que tu rougis.
celle qui prend le temps d'appeler par les haut-parleurs en faisant semblant que ça passe pas. pour que tu rougisses plus fort.
parce que ça passe pas très bien.
c'est juste une connasse.
elle est pas beaucoup plus doué pour le côté face.
elle baise bien, elle enroule ses jambes autour de ta taille, elle embrasse tes lèvres, griffe ton dos.
mais c'est pas une sentimentale.
t'as jouis, tu dégages. et pendant ce temps,
elle fume.