Ivan on l'Adore comme ses douceurs multicolores qui coupent les lèvres et assèchent la bouche. Ivan est acide. On peut accuser les nombreuses nuits qui ont coloriées ses perruques d'un blanc lunaire. Cette solitude. Cette déconnexion. Ce monde appartient aux dents de lait, à l'innocence comme un blush lumineux, à cette jeunesse qu'il ne sera plus jamais. Il est fané, creusé. Ivan combat alors le temps et marque son corps de rêveries indélébiles. Il aime les tatouages et ses tatouages racontent sa vie. Ils sont les chevaux ailés qui volent vers une aube indestructible. Sur scène, il est Adore, cette comète qui chantent tout en évitant les bouteilles de bières et les insultes qui fusent comme des coups de poignards. Et, quand le maquillage tombe au petit jour, il reprend cette barbe légèrement avancée et cette chevelure indomptable, car il aime être un homme. Il aime tout ce qui l'impose et l'implique. Il en aime l'odeur et les faiblesses. Les femmes sont belles. Elle sont uniques. Elles sont des licornes. Il ne veut pas les remplacer. Il veut les honorer, les sublimer, car Ivan aime les femmes : ses sœurs comme sa mère. Il fut le petit dernier. L'enfant choyé. C'est sa sœur qui lui a acheté sa première perruque. Et, son frère qui lui a appris à mettre un mec à terre en un coup bien placé dans la mâchoire.

Drag est un sacerdoce, un appel, derrière les paillettes tu peux tout cacher : les peines de cœur, les fins de mois difficile et le frigo vide. Son cœur est vide et creux. Personne ne veut de lui. Personne n'aime les drag. On veut un homme qui sent l'homme ou une femme qui coule comme une femme. On ne veut rien qui soit entre les deux. Dans sa jeunesse, on le voyait toucher du bout de ses doigts la célébrité. On criait au génie. Tu seras une star, mon fils ! hurlait à plein poumon sa mère quand il passait sur scène. A présent, sa famille ne vient plus le voir sur scène. La célébrité ne l'a jamais touché de sa lumière et maintenant il est ce vieux drag qui fait plus pitié qu'envie. Dans son dos, on le montre du doigt et on se jure de ne jamais finir comme cela.

Pourtant, Adore a encore plein de choses à prouver. Il fait ses propres costumes de scène. Il écrit et compose ses propres chansons. Et quand, il ne cuve pas backstage, il prête son épaule aux peines de cœurs des autres. Il aide les filles à refaire leurs maquillages dans les toilettes. Il dissimule leurs larmes pour ces mecs qui les baisent avant de les aimer. Il paye sa tournée pour donner du courage aux timides. Il est le Nephilim des bars quand vient la nuit. Car, la journée, il travaille dans le garage tenu par son frère. Il troque ses hauts talons pour des combinaisons couvertes d'huile. Il répare. Il change les pneus, ect...Ivan connait son métier. Son père était mécanicien. Oui, Ivan c'est un million de bonbons multicolores. Ils croquent en bouche, parfois amer, parfois sucré. La vie en somme.