à force de regarder les autres pleurer et d’essuyer leurs joues collantes, toi tu sais plus comment on fait.
ta joie de vivre calée dans une boite froide, c’est littéralement la mort qui te fait vivre.
un peu triste.
un peu toi.
quand maman s’est fait sauter la cervelle sur le parquet de la cuisine, tu t’es dit que c’était ce que tu voulais faire.
que la mort et le froid c’était toi.
un peu tarée la gosse.
un peu morbide.
t’étais triste. ouais. t’es toujours triste. certes.
on s’habitue à l’envie de les rejoindre, sous terre.
alors t’attends sagement que le temps se décide à passer.
t’as arrêté de compter sur tes doigts comme une gamine les secondes qui défilent.
t’essaies d’être une adulte.
c’est pas vraiment facile, mais faut bien faire avec.
puisque c’est les enfants qui pleurent.
c’est ce que papa disait tout le temps.
lui, l’enfant suprême.
un peter pan qui ne s’est jamais épanoui.
les normes sociétales n’ont de cesse d’étouffer les gens.
mais souvent ils résistent quand lui a préféré fuir.
maman s’est offerte à un monde qu’elle croyait meilleur en pressant la détente.
papa s’est enfui comme un lâche.
cruel exemple familial.
les foyers étaient tous les mêmes.
murs froids, gens vides.
des phrases toutes faites et une peur viscérale et constante que tout dérape.
des êtres humains faussés autour de gosses déchirés par la vie.
éventrés par les conneries de leurs ainés.
la différence aussi.
lior t’es pas une vraie fille.
garçon manqué.
ça veut dire quoi ?
comment je fais si je veux être les deux ?
ils t’ont tous dit que c’était pas possible.
alors t’as cessé de demander.
mais t’as pas changé pour autant.
fille et garçon à la fois.
être hybride.
s’ils ne t’aiment pas peu importe.
puisque tu ne t’aimes pas beaucoup plus.
ensuite la délinquance.
coups et blessures, c'est pas la mort.
le vermeil qui colore les jointures.
quand elles craquent contre la peau dure de ceux qui t'emmerdent.
le beau violet des bleus-fleurs qui éclosent comme les parterres au printemps.
t'avais les mains sales mais au moins t'étais en vie.
maintenant elles trempent dans la mort et suintent l'ennui.
pourtant tu te tais.
tu ne te plains pas.
tu subis.
enfant-lune qui s'évade au gré des comètes qui remplissent sa tête.
tu désires un ailleurs qui ne viendra jamais.