Hé tu as remarqué ?
- Quoi ?
- La lettre O est très proche de la lettre I.
- Où ça ?
- Sur ton clavier.
- Et alors ?
- Il ne faut pas te tromper quand tu tapes le mot fille.
- J'y penserai.
Baya c'est drôle mais quand on l'appelle elle répond pas.
"Baya ?
Baya ?
Ba..."
"- Ta gueule."Et voilà...
Un visage triste.
"Ma douce ?
Ma poulette ?
Tendresse nuage ?"
"- Oui je plane. Oui je vole."Elle volait vraiment.
Tu sais Frank, les poissons qu'elle te rapporte... ils viennent pas tous de l'Océan.
Il faut apprendre à te méfier.
"Celui-là est vraiment bon, c'est un délice.
Où l'as-tu pêché ?
... Ma gazelle ?"
"- Cesse de parler ; mange."Baya était un peu bizarre.
Ses yeux renvoyaient des images déformées.
- - -
Je suis née au bord de l'eau. C'est ce que j'aime bien croire. Que je sors de la mer où pissent les poissons. Que ma peau a le goût salé des coquillages et que quand ils essaient de planter leurs crocs sur moi ; je libère mon encre empoisonnée qui les fait fuir.
Je suis laide.
J'aime ça.
Mes doigts ont la fâcheuse habitude de se froisser entre eux comme des serpents en colère. Je plie les papiers importants qu'on me donne parce que je ne me suis pas rendue compte que, dans l'énervement, je les avais déjà transformés en origamis entre mes paumes.
Je suis la fille de mes parents.
Vrai.
Je suis la tarentule qui vit sur le littoral. Celle qui tisse ses toiles entre les rochers sans attendre les inconnus pour venir les dévorer. Ils viennent se loger parmi la mousse, frottent leurs sales pattes contre la vase. Tous seuls ils s'emmêlent et réalisent que l'océan est impie.
Je suis la partie acerbe de l'écume.
Le cadavre de méduse qui flotte indéfiniment sur le rivage
avance et recule
et que personne n'ose ramasser à mains nues.
(c'est moi la blessure qui paralyse le corps et fragilise le cœur)
Une couleuvre impitoyable que tu voudras écraser
mais tu n'auras pas le cran sans chausses pour couvrir tes pieds.